Amour

Contexte
Les Terres Australes et Antarctiques Françaises et la Direction des Affaires Culturelles de la Réunion organisent tous les deux ans, une résidence artistique de trois mois au cœur des archipels subantarctiques français (Crozet, Kerguelen et Saint-Paul & Amsterdam). En 2019, j’ai eu la chance d’être sélectionné par ce programme de résidence et de recherche intitulé « Atelier des Ailleurs », et suis parti à la rencontre des hommes et des femmes qui passent un an sur ces îles loin de toute civilisation.
Résumé du projet
Recherches scientifiques, préservation de la nature, maintien de la vie humaine, j’ai participé aux activités de la base de Port-Aux-Français sur l’archipel de Kerguelen, et aux missions de sauvegarde et d’étude des scientifiques en présence.
Ces rencontres m’ont permis de soutenir et d’alimenter mon projet : écrire une pièce/un spectacle inspiré/e des Kerguelen, de leur histoire et de leur place dans notre imaginaire. Par-delà les images que nous connaissons tous via les reportages, je voulais dépasser l’exotisme inévitable qui leurs est souvent lié, et créer un pont concret et sensible entre ces îles et la métropole. Entre ces humanités de là-bas et celles d’ici. Entre la Nature et l’Homme d’aujourd’hui. J’ai compris, sur ces îles, que je souhaitais raconter un héritage. Un rêve qui serait cet héritage. Et quel héritage plus concret et plus sensible que le son ? Les appels d’un manchot, le chœur immense d’une manchotière, le renâclement fauve d’un éléphant de mer, le bruit de nos pas sur un désert de pierres, le son imperceptible de la respiration d’un poussin de prion, le froissement d’ailes d’un albatros géant, les paroles qu’un hivernant prononce après 6 mois loin de sa famille… Une choralité humaine et animale, liées ensemble pour immerger le spectateur. Armé d’un micro RODE, j’ai enregistré et recueilli les identités sonores de ces îles et de ses habitants pendant trois mois en vue de la création d’un dispositif acousmatique et d’une écriture sonore du spectacle, avec le concours et le talent d’Aurélien Marotte.
Et puis, une histoire : C’est aux Kerguelen que j’ai appris l’apparition du coronavirus. Isolés de tout, nous étions devenus sur ces îles comme des réfugiés involontaires, des rescapés, des Hommes libres encore de se rencontrer et de sortir. Notre rapport avec l’île, ce qu’elle signifiait à notre arrivée, n’était plus le même. Mon histoire d’origine a changé suite à ce bouleversement du monde. Une pandémie ? Le réchauffement climatique nous sautait aux yeux, là-bas, tandis que dans le reste du monde des gens étaient confinés et/ou mourraient d’une maladie contagieuse. Tout cela n’était-il pas lié ? Est-il donc là cet héritage ?
J’ai dans le projet d’écrire une science-fiction théâtrale, initiatique, relatant l’histoire de deux jeunes filles venues sur les Kerguelen afin de comprendre un phénomène étrange qui serait à l’origine d’une épidémie condamnant ceux qui tombent amoureux à oublier. L’une est scientifique et l’autre artiste. L’un de leurs parents respectifs y est allé et n’est jamais revenu. Elles partent sur leurs traces et se rapprochent l’une de l’autre. Sur le chemin et au fil des rencontres, elles découvriront l’héritage familial et humain dont elles sont dépositaires, avant de rencontrer le phénomène qui les amènera à faire un choix qui changera leur vie.